Il est urgent d’intégrer dans les recherches portant sur les matériaux anciens les enjeux les plus actuels de la construction du savoir : la pleine reconnaissance du secteur socio-économique comme un acteur-clé du dispositif, l’essor du numérique, non seulement comme ressource, mais comme point de vue sur les matériaux, le développement de l’instrumentation portable et connectée, la place nouvelle des problématiques de science ouverte, la formation à la recherche patrimoniale et par la recherche patrimoniale des étudiants. Réussir ces transformations requiert de réfléchir à trois frontières au cœur des problématiques sociétales contemporaines :
- La frontière qui sépare nature et culture, remise en cause tant par les évolutions en sciences humaines et en sciences expérimentales, que par les problématiques socio-environnementales contemporaines
- La frontière entre le matériel et l’immatériel, profondément transformée par le renouvellement des méthodes interdisciplinaires, l’interpénétration des études entre les pratiques et les objets, et la révolution numérique
- La frontière entre le passé et l’avenir, séparés par la mince ligne que constitue le présent, où les incertitudes du présent sont largement liées à un rapport troublé au passé et à l’avenir, qui permet un retour critique sur les formes de transmission patrimoniale
Nous proposons de dépasser ces frontières à travers la réalisation de plusieurs transitions majeures et structurantes :
- Créer une nouvelle interface entre recherche et innovation socio-économique. Le réseau francilien de recherche dans le domaine des systèmes patrimoniaux est l’un des principaux champs de recherche connectés au tissu socio-économique. Il importe de mieux l’identifier et d’accroître sa visibilité : aux côtés des industries structurées autour de très grandes entreprises, on trouve le design, les arts vivants, la muséographie, la data visualisation, les industries culturelles et créatives, la création de matières « paléo-inspirées », ou encore l’expertise et la conservation-restauration du patrimoine
- Développer de nouvelles classes d’instruments. Il s’agira de soutenir le développement de nouveaux instruments physiques, chimiques ou numériques spécifiquement adaptés au domaine (outils de relevé et de diagnostic sur le terrain, bases de données de référence, outils de conservation préventive, équipements dédiés à la sauvegarde du patrimoine en péril, etc.) ; et de développer des équipements de rupture, qui n’existent pas « sur étagère », inspirés par les besoins du terrain
- Donner une place centrale aux outils numériques. Les instruments modernes d’analyse, en raccourcissant les temps d’acquisition, génèrent désormais des quantités massives de données, qui viennent compléter les données recueillies par les sciences humaines et sociales sur le patrimoine. Les analyser nécessite de convoquer ici les mathématiques et les humanités, pour développer des modèles, classifier, fusionner les données. Un enjeu majeur est de construire les croisements entre données quantitatives et données qualitatives.
- Organiser les communautés à partir de méthodes de recherche mobilisant les pratiques de science ouverte. La question essentielle est ici celle de la documentation de la donnée : quelles sont les métadonnées qui comptent ? Et dans quels contextes ? Pour apporter quels types d’arguments ? Pour répondre à quelles hypothèses ? Il s’agira ici de documenter les données pour assurer leur traçabilité, de les rechercher, de les stocker ainsi que des logiciels, de manière accessible et/ou permanente, et d’intégrer la réflexion sur les formats et les standards.